poutine au paprikás

vendredi, juillet 25, 2008

Cowboy n'est pas un mot anglais

site des Abbey ruins

Bien que la fondation de Reading remonte au VIIIe siècle, la ville actuelle n’est pas connue pour ses vestiges médiévaux comme le sont, par exemple, York ou Oxford. En fait, notre lieu de résidence a plutôt mauvaise réputation : dans un sondage de Readers’ Digest en 2007, Reading a remporté le titre peu convoité de « pire endroit où vivre au Royaume-Uni ». Force est d’avouer que, malgré nos efforts, nous n’avons pas encore trouvé grand-chose à nous mettre sous la dent culturelle. Même le pub gai de Reading est boring. Bref, c’est pas ici que ça se passe.

C’est donc avec un naïf enthousiasme que nous attendons les manifestations culturelles locales. Heureusement, ici aussi, on connaît le mot « festival ». Nous vous avons déjà parlé du festival de l’eau; il y a aussi le festival de la vraie bière et du jazz, un festival de la comédie et, plus près de chez nous, le festival des ruines de l’abbaye. Eh oui! À deux pas d’ici, le long de la rivière Kennet, gisent les ruines d’une importante abbaye médiévale… Importante jusqu’à ce que le sympathique Henri VIII mette la hache dedans. Aujourd’hui, il n’en reste que des ruines, mais c’est à peu près ce qu’il y a de plus intéressant à Reading côté histoire.

Ainsi, le festival des ruines bat son plein. Le clou : la présentation d’une pièce de Shakespeare, The Taming of the Shrew (La mégère apprivoisée). Naturellement, je me suis précipité pour acheter une paire de billets dès que la météo laissait entrevoir une soirée agréable (car la pièce est jouée à ciel ouvert). Imaginez : une pièce de Shakespeare à côté de chez nous, dans un cadre historique! J’avais donc hâte de prendre un bain de culture anglaise!

Pour bien nous préparer, sachant que nous n’y comprendrions rien, nous avons lu un résumé ainsi qu’un bref historique de la pièce. Sage précaution dans un pays où nous avons parfois du mal à comprendre une caissière de supermarché. D’ailleurs, même les Anglais ont de la difficulté avec les pièces de Shakespeare. Comme dans une pièce de Racine ou de Corneille en version originale, la langue de l’époque demande une concentration de tous les instants.

Mais c’était sans compter sur le génie des acteurs semi-professionnels qui montent cette comédie : ils ont décidé de se démarquer en… tenez-vous bien… adaptant la pièce en western! Misère! Ce n’était pas assez compliqué comme ça de dire (pour eux) et de comprendre (pour nous) du Shakespeare, il fallait que les comédiens nous le livrassent avec un accent texan! Pauvre Bill…

Voici à quoi ressemble un texte de Shakespeare en version originale. Pour comprendre, il faut parfois remplacer le U par un V.

Kate: Of all thy sutors heere I charge tel Whom thou lou'st best: see thou dissemblee not.
Bianca: Beleeue me sister, of all the men aliue, I neuer yet beheld that speciall face, Which I could fancie, more then any other.

Maintenant, imaginez tout cela déclamé avec un faux accent western poche par des acteurs amateurs aussi Anglais que le Marmite. Imaginez aussi des personnages aux noms italiens qui parlent de Pise, de Padoue et de Mantoue, mais campés dans un décor de saloon et affublés de chapeaux de cowboy ou de plumes sur la tête (mention spéciale pour le sombréro). Ah oui, certains rôles masculins étaient joués par des femmes, aussi…

En un mot, le massacre. Du sous-théâtre d’été, sans les rires. Ça a pris une demi-heure avant qu’on entende un premier rire faiblard émaner de l’auditoire.
Voilà pour notre soirée culturelle tant attendue…