poutine au paprikás

samedi, février 10, 2007

Mercredi = Medvek



Le mercredi, c’est la journée « ours » (medve en hongrois).

Bon, avant d’aller plus loin, y a-t-il quelqu’un qui ne sait pas encore ce que c’est, un ours?
C’est ça : des grosses moumounes à poils! En théorie, du moins. Dans la vraie vie, le mouvement ours attire toute la gamme colorée de la fifure : des gros aux pic-pic, des velus aux tondus, etc. mais ils ont tous tapettes. Et naturellement, plus le mouvement gagne en ampleur, plus il s’y crée des catégories pour désigner :
. les différents types de pilosité, de capillarité, de musculature
. les chasseurs d’ours qui n’en ont pas le physique eux-mêmes
. les oursons, les aspirants ours
. les barbus, les moustachus, les boucus, les tatoués, les percés et je sais plus quoi encore

Bon, j’arrête tout de suite, je viens de me rendre compte qu’il y a un article complet dans Wikipédia sur les ours (voir le lien).

Ici, ces distinctions sont inutiles de toute manière. Comme la vie gaie en est encore à l’âge des pierres en Hongrie, on met tout ce beau monde là dans le même panier et on se donne rendez-vous les mercredis soir dans un… café. Eh oui, un simple café! Vers 21 heures, les gars arrivent et prennent place autour de quelques tables du fond pour se rencontrer, se conter leur semaine, prendre une bière pas cher, etc. Pas de grands sparages : la plupart d’entre eux n’ont jamais fait de coming-out officiel. Mais simplement par leur présence, ils font preuve d’une grande audace pour le commun des homos hongrois.



J’aime beaucoup ces rencontres du mercredi. J’ai même commencé à apprivoiser quelques-uns des ours, dont certains sont très sympathiques. Les Hongrois ne se dégèlent pas rapidement et, comme marcpageau l’a remarqué, ça ne sert à rien de leur tordre un bras (ou autre chose) : il faut les attendre patiemment.

Le mercredi, il y en a de toutes les sortes : des réguliers et des occasionnels, des timides et des sans-gêne, des fortunés et des cassés, des professionnels et des étudiants. J’aime bien ce mélange, ça nous rappelle que la communauté gaie est faite de toutes sortes de gars. Maintenant qu’ils me connaissent, les gars me parlent en anglais (une grande marque de confiance), me posent des questions, sont curieux. La question qui revient sans cesse : Pourquoi êtes-vous venus vous installer ici? (sous-entendu : alors que tous les Hongrois n’aspirent qu’à fuir le pays). Ils sont curieux de voir comment nous faisons pour vivre « si ouvertement » (ta MÈRE va rester chez vous?), tout en se disant qu’eux-mêmes ne pourraient jamais s’afficher de la sorte.

Ils m’apprennent beaucoup sur la Hongrie et ses habitants, des gens modestes qui commencent à peine à s’ouvrir sur le monde et à voyager un peu… quand ils le peuvent. Un exemple : un ami médecin, qui arrive à peine à se payer un trois et demie à 200 $ par mois, cherche à louer une chambre à un étudiant, pour pouvoir économiser un peu d’argent. Ce médecin a besoin d’aller chez le dentiste, mais il ne sait pas comment il va faire pour payer. Alors quand on lui demande où il va passer ses vacances, il essaie de ne pas avoir l’air trop penaud lorsqu’il répond : au village de ses parents. Le plus loin qu’il est allé : en Italie, où l’on peut se rendre en voiture. J’ai arrêté de lui dire « Quand tu vas venir me voir au Canada… » parce que c’est tout simplement impossible dans les conditions actuelles, même s’il n’avait à payer que son billet et son visa (car ça prend un visa)…

C’est le genre de chose que j’apprends en écoutant les ours Hongrois.