poutine au paprikás

jeudi, septembre 21, 2006

Émouvant



Nous vivons dans l’appartement de la rue Csalogány depuis samedi dernier. Malheureusement, l’emménagement coïncidait avec le premier tournoi de curling de la saison : pendant que Normand balayait dans une autre sorte de maison, Marc a fait beaucoup de travail pour nous installer. Merci à saint Marc pour faveurs obtenues et très grande indulgence. Heureux hasard, un des deux Ikea de Budapest est sur la ligne de métro qui passe devant notre porte. Devinez qui est allé plusieurs fois déjà?

Depuis quelques jours, donc, la devise de la maison est : (nous sommes installés) plus qu’hier et moins que demain. Demain matin, le fournisseur de services électroniques doit passer pour nous brancher enfin. Il est très attendu, celui-là! En ce moment, je dois aller prendre mes courriels dans un café Internet de Moszkva tér, à quelques pas, et télécharger les documents que je dois traduire à la maison ensuite. Autrement dit, je fais la navette. Comme nous allons prendre un forfait téléphone/câble/Internet, nous n’avons rien de tout ça encore. Pas même un cellulaire. Bref, nous sommes entièrement coupés du monde médiatique. Entre-temps, pour nous consoler, nous traversons la rue et entrons au Mamut pour aller flirter avec les téléviseurs à écran plat qui nous font de l’œil. Mais il y a plus grave.

La surprise fut de taille, mardi matin, quand nous avons appris qu’il y avait eu des émeutes la veille. Car à voir les passants de Moszkva tér, on ne se serait douté de rien. Ce jour-là, nous avons reçu plusieurs courriels inquiets de votre part nous demandant pour une deuxième fois en un mois si nous étions sains et saufs. Dommage que la Hongrie ne fasse les manchettes internationales quand ça va mal (voir entrée précédente sur la Saint-Istvan).

Rassurez-vous, nous ne sommes pas touchés par les événements des derniers jours. Hier, Marc s’est couché tôt pendant que je faisais une balade dans le brouillard, après lui avoir promis que je n’irais pas dans le quartier des émeutes, du côté de Pest. Donc, j’ai descendu Csalogány jusqu’au Danube, c’est-à-dire en face du parlement, dont l’éclairage nocturne était très beau dans la brume. Sur le pont Margit, des groupes de gens revenaient visiblement de manifester à Pest. Dans l’un des groupes, un homme portait un drapeau de la Hongrie hissé au bout d’un bâton et flottant mollement dans le brouillard, sur une arrière-scène de tramways et de fleuve… Devant tant de romantisme, mon petit cœur de midinette ne fit qu’un tour.

Ce qui est moins romantique, c’est les images des émeutes qui sont véhiculées. Aucun des Hongrois auxquels nous avons parlé (et ils ne parlent de rien d’autre) ne dit avoir participé aux manifs, qui seraient l’affaire de groupes radicaux scandant des slogans programmés à l’avance. N’empêche que l’on sent un courant général de sympathie envers les manifestants, car le ras-le-bol s’est transformé en rage quand les fameuses déclarations du président ont été rendues publiques. (Dans une assemblée partisane, il a affirmé que son gouvernement mentait au peuple hongrois depuis un an et demi pour se maintenir au pouvoir.) La réaction ne s’est pas fait attendre et elle est compréhensible.

Il faut dire que la situation n’est pas rose en Hongrie. Les gens ici gagnent des salaires très modestes et doivent compter tous leurs sous. Le 1er septembre dernier, la taxe de vente a augmenté de 5 % d’un coup, et il paraît qu’une autre hausse des impôts est prévue pour janvier. Des amis aux revenus modestes nous ont confié qu’ils ne savaient pas comment ils allaient faire, et nous les croyons. Donc, on demande aux gens de payer plus, mais cela ne servirait qu’à combler le déficit actuel (le plus élevé d’Europe)… Un effort énorme pour des gens qui gagnent déjà peu et qui ne reçoivent rien en retour de cet effort supplémentaire. Alors, quand ils apprennent qu’on les a pris pour des valises, il ne faut pas s’étonner que les plus furieux manifestent et réclament la démission du président fautif. Les Hongrois eux-mêmes, peuple connu pour son fatalisme, semblent étonnés pas l’ampleur de la réaction. Personne ne sait ce qui va se passer dans ce pays qui a renoué avec la démocratie et le capitalisme il y a une quinzaine d’années.