poutine au paprikás

dimanche, octobre 12, 2008

Le Cap, prise 2

Me revoici au Cap, pour trois semaines cette fois. J'ai arrangé ça avec Marc pour que ça coïncide avec des déplacements pour lui aussi: mini-conférence à Barcelone, vacances en Suède, visite d'amis Montréalais. Il n'aura pas trop le temps de s'ennuyer à la maison. C'est qu'il ne sait pas encore, cependant, c'est que mon employeur aimerait bien que je vienne passer les prochains mois...

Dimanche après-midi au Cap. Journée magnifique. Je viens de faire un somme, pour récupérer un peu. Un appel de Marc m’a réveillé. Il passe une semaine de vacances en Suède, un endroit qu’il a toujours vu voir. Puisque je ne suis pas là, il se paye la traite pour son anniversaire. Pour le début, quelques jours en solo à Stockholm, puis il retrouvera des amis vivant au centre du pays. Ensuite, ils iront tous les trois à Oslo pour un événement ours quelconque. Ça promet. Bref, Marc voyage en Suède (bon), mais seul (moins bon). C’est son anniversaire demain; si vous avez une minute, souhaitez-lui bonne fête, ça va lui faire plaisir (je pense pas que j’ai le droit de dire combien ça fait…)

Pendant que j’écris ceci, Le Cap prend un bain de soleil. Un nuage se heurte à la montagne (Table Mountain, 1000 m) sur le versant opposé et déborde par l’échancrure du sommet, pour redescendre côté soleil tel une coulée de lave blanche. On appelle ce phénomène la « nappe », puisqu’elle vient recouvrir la table. De toute beauté, comme aurait dit ma défunte grand-mère. Ah oui, Hélène a rendu l’âme à 91 ans il y a deux semaines. J’étais prêt à prendre l’avion pour Montréal, afin de donner un coup de main à Loulou, mais elle n’a pas voulu en entendre parler. Vous pouvez toujours lui exprimer vos sympathies; moi, Hélène m’a barré de sa vie pour une niaiserie il y a une quinzaine d’années. En fait, à sa demande, je suis allé lui faire une brève visite de politesse l’été dernier. D’après Loulou, elle nous aimait à sa façon, mais elle était incapable de le montrer. Fin de la parenthèse.

Aujourd’hui, j’ai fait longue promenade sous le soleil de midi au bord de l’océan Atlantique. Les vagues se brisaient sur les rochers, ça sentait bon l’embrun. Longé des quartiers cossus, villas à la Lifestyles of the Rich ans Famous. Plages magnifiques où l’on ne se baigne pas parce que l’eau est trop froide, un peu comme en Californie. Côté tourisme, c’est un peu raté cette fin de semaine, d’abord parce que je suis allé au travail hier (samedi) après-midi, aussi parce que j’étais trop fatigué pour m’éloigner de l’hôtel toute la journée; j’ai besoin de faire un somme l’après-midi pour rattraper le sommeil perdu la semaine.

Depuis lundi, je travaille de 19-20 h jusqu'à 2-3 h du matin. Puis quelques heures de plus en cours de journée. Comme j’ai beaucoup de mal à dormir tard le matin, j’ai absolument besoin de dormir l’après-midi. J'ai, j'en ai bien peur, ce que mal appelle affectueusement « les yeux bruns ». Semaine difficile au travail. Un peu sous le thème de « tout ce qui pouvait aller mal est arrivé ». Rentré bien découragé dans la nuit de vendredi à samedi, surtout après m’être enfoui le pied dans une crotte de chien grosse comme une bouse de vache, pendant que je fuyais une mendiante qui me suivait à tous les guichets automatiques hors service. Rentré à pied, finalement, dans la ville déserte, sauf pour la rue des bars. Grattant la semelle de mon soulier droit sur les coins de trottoirs. Maudissant la vie et la ville. Rien n’y fit. En rentrant, j’ai dû nettoyer le tout sous la douche, en respirant par le nez pour ne pas dégueuler. Un peu à l’image de ma semaine, quoi.

Je ne sais pas si on en parle aux nouvelles chez vous, entre les élections et l’apocalypse financière, mais l’Afrique du Sud est à deux pas d’une crise politique. Le dernier président (Mbeki) a dû démissionner pour une affaire d’influence, et sa succession est âprement disputée par deux factions ennemies au sein de l’ANC, le parti au pouvoir. Le problème, c’est que le leader de l’une des deux factions est très craint par les millions de ressortissants étrangers qui vivent ici actuellement (l’Afrique du Sud, c’est les États-Unis de l’Afrique, tout le continent vient y faire fortune). Déjà, dans d’autres villes (Johannesbourg, notamment), des étrangers vivant ici en toute légalité ont été attaqués et chassés de leurs maisons pour la simple raison qu’ils étaient étrangers. Les Sud-Africains xénophobes veulent faire le ménage, semble-t-il. Les raisons sont toujours les mêmes : les étrangers volent leurs jobs, leurs femmes, leur argent. Tout ça se passe dans la communauté noire et dans des quartiers que les blancs ne fréquentent pas. Pour les blancs, ce sont des choses qu’on voit aux nouvelles.

Moi,ça me touche particulièrement parce que mes collègues ici sont des ressortissants congolais. Déjà, ceux-ci ne veulent pas habiter dans les quartiers noirs populaires (donc, moins chers) parce qu’ils y seraient des proies trop faciles (vol, pillage, harcèlement). Ils doivent donc habiter des quartiers plus sécuritaires (lire : où habitent des blancs) et, nécessairement, beaucoup plus chers. Affolées par les nouvelles de Johannebbourg, leurs familles ont commencé à les appeler du Congo pour les prier de quitter l’Afrique du Sud au p.c. Donc, c’est dans ce climat d’incertitude que mes collègues vivent, dans un pays où on leur manifeste de plus en plus d’hostilité. Leur pire cauchemar: que le sympathique M. Zuma s’empare du pouvoir et ferme l’œil sur la violence xénophobe qui couve. Certains disent que ce n’est qu’une question de temps…

Parlant de pouvoir, Marc et moi avons voté par anticipation, mais avec peu d’illusions… Je peux pas croire qu’on va se taper un autre gouvernement Harper. Tout d’un coup, je suis moins pressé de rentrer au pays…